Musée du Patrimoine Industriel de Genève 04.11.2021
Une visite guidée de l’écomusée de l’Association pour le Patrimoine Industriel à Genève (API).
Jeudi 4 novembre en début d’après-midi, quelques membres de l’Amicale se retrouvent dans les locaux de l’API, situés dans les ateliers de l’ex-entreprise Lambercier, un fabricant genevois d’outils et producteur d’huile de moteur. On est à la rue du Vuache 25, entre le collège Voltaire et les voies de chemin de fer qui mènent à Cornavin. L’entreprise- aujourd’hui disparue – a été fondée en 1912.
Ecomusée ? Un lieu de conservation du patrimoine, certes, mais aussi et surtout, un lieu de connaissance, d’apprentissage et de transmission de métiers anciens qui, sans cela, changements technologiques et sociétaux obligent, seraient voués à la disparition.
Le lieu ? Grosso modo quatre salles au rez-de-chaussée, quelques bureaux à l’étage et un sous-sol, vaste dédale de salles et de couloirs où se trouvent aussi bien quelques ateliers (imprimerie, bijouterie) que de nombreuses machines.
La visite commence dans la salle principale. Une verrière en toiture, quelques galeries, des poutrelles d’acier, des chaînes et des poulies, rappellent l’atelier qui occupait ces lieux. Hormis les véhicules présentés, on y reviendra, quelques chaises, un peu d’éclairage et deux haut-parleurs permettent la tenue régulière de conférences sur l’un ou l’autre des sujets chers à l’API. Dans un coin, un petit bar qui ne dit pas son nom, une petite salle à l’arrière, une autre sur le côté et une autre à l’avant du bâtiment. Ambiance simple et bon enfant, sérieuse et précise dès qu’il s’agit de métier. Quelques publications posées sur une ou deux tables. Le lieu est vivant, et c’est bien ce que l’on veut.
Cette première partie de la visite est animée par Frank Vacheron, dont l’œil et le sourire s’allument au gré de ce qu’il nous fait connaître. Plusieurs véhicules, en particulier de l’entreprise Motosacoche, sont exposés là. Il y a de quoi être émerveillé, non seulement par la beauté de ces engins, mais aussi par l’incroyable créativité et le génie inventif de leurs créateurs, les frères Dufaux : Henri, l’artiste-peintre dont une très belle toile se trouve dans les lieux, et Armand, le technicien. Les deux partagent une passion pour la mécanique et la mobilité, sur terre et dans les airs.
Au début de l’aventure, il s’agit (entre autres inventions) d’insérer un moteur dans un cadre de vélo triangulaire, moteur assez fin pour que le cycliste ne soit pas gêné aux entournures, assez puissant toutefois pour que le vélo avance sans fatiguer ledit cycliste. Il suffit de voir une photographie des deux frères sur leur vélo parcourant le haut du Salève pour prendre la mesure de leur génie et du bonheur qu’ils ont procuré à bien d’autres qu’à eux-mêmes. Plus tard, le génie des deux frères s’exprime par la création d’un avion. Record de distance en vol au-dessus d’un plan d’eau (le lac Léman). Imaginez : le moteur tourne avec l’hélice. C’est puissant, il fallait y penser ! Risque d’être happé et haché par l’hélice au démarrage, projection d’huile assurée durant le vol, mais quelle victoire ! Essais, erreurs et réussites, accompagnent le magnifique parcours industriel de ces deux génies.
Tous les membres de l’Amicale ne sont pas nés avant 1920 (!), mais certains étaient enfants lorsque ce passé industriel était encore très vivant. L’ami Claude, par exemple. Visiblement ému à la vue de ces véhicules splendides qui nous éclatent aux yeux, remis comme à neuf et qui semblent sortir d’usine. Il ne cesse d’exprimer son enthousiasme au moyen d’une expression qui n’est pas reproductible ici (question de décence) mais qui, en fin de visite, donne à penser qu’une partie essentielle de sa personne ressemble à s’y méprendre à une écumoire (comprenne qui pourra).
Et puis, changement de salle et de sujet : Maude Gaudard Garcia prend le relais et nous parle d’impression. Cela fait un peu moins rêver, mais le discours enthousiaste et précis de notre guide captive notre attention. Considérations graphiques et artistiques : certaines des machines exposées permettent de produire des textures et des teintes que l’on ne saurait obtenir autrement. Quelques magnifiques exemplaires d’affiches nous sont montrés, ainsi qu’un texte de Blaise Cendrars – « Les trois Etats de l’écriture » – qu’Alain a repéré en furetant avant la visite et qui est mis en valeur par un graphisme très élégant.
Considérations techniques : après des siècles de composition manuelle, le processus de composition est en partie automatisé grâce à deux inventions qui révolutionnent le métier : la Lynotype (1880) et la Monotype (1887). Plusieurs exemplaires de ces machines se trouvent dans la salle adjacente, certaines d’entre elles ont servi jusqu’au début des années 1970 à imprimer le journal local « La Suisse ». L’impression de disques et les outils d’enregistrement sonore qui vont avec, clôturent cette partie de la visite.
Notre impression à nous, c’est que tout cela est diablement complexe et passionnant. Une dernière question sur la récupération du métal des caractères (sur la Monotype) incite notre guide à nous emmener dans les sous-sols et nous faire connaître l’atelier où ce processus se déroule.
Tout au long de cette visite de deux heures environ, sous la houlette successive de nos deux guides sympathiques et passionnés, les membres de l’Amicale se seront émerveillés de ce que nos presque-ancêtres ont produit. Un café offert par l’API clôture le tout. Merci à nos guides pour leur temps et à Jean-Pierre pour avoir, une fois de plus, parfaitement organisé cette belle visite.
Antoine